Le Kinomichi

Le Kinomichi, méthode NORO, créé à Paris en 1979 par Masamichi NORO, est un art d’origine japonaise dans la tradition du Budo. 

Art du mouvement, s’adressant à tous, le Kinomichi privilégie la pratique dynamique à deux et utilise aussi le Jo (canne), et le Boken (sabre de bois), comme l’Aïkido dont il émerge. 

Maître NORO  a été un des principaux disciples de Maître Ueshiba, fondateur de l’Aïkido.

Ainsi le Kinomichi s’inspire de la tradition des arts martiaux et des récentes découvertes occidentales dans le domaine des pratiques corporelles.


PAROLES DE MAÎTRE MASAMICHI NORO

Après le décès de maître Masamichi Noro, divers courants très différents ont émergé. Il a cependant exprimé une grande partie de l’essentiel du Kinomichi dans des articles et dans les deux livres écrits de son vivant sur sa demande.

« Le Kinomichi s’adresse à tout le monde, aux enfants comme aux adultes jusqu’à un âge avancé. Le devoir des anciens et de s’ouvrir aux débutants. Cette communication est inscrite implicitement dans le Kinomichi. Nous pouvons créer une autre dimension dans la relation humaine. Nous sommes déjà nombreux dans cette pratique. Nous devons changer. La véritable force est dans celui qui crée une relation d’amour entre les hommes, entre l’homme et la nature, entre l’homme et l’univers.»

Maître Masamichi NORO (1935-2013), fondateur du Kinomichi.

En avril 1955, il rencontre Maître Ueshiba fondateur de l’aïkido. Il devient un de ses principaux élèves (Uchi Deshi, élève interne, pensionnaire). Maître Ueshiba l’envoie en France pour diffuser sa discipline en Europe et en Afrique. Il débarque à Marseille en 1961. Il enseigne pendant 18 ans un Aïkido très personnel et sa renommée internationale lui vaut quelques inimitiés en France comme au Japon.

« …De fait, j’étais arrivé à une réalisation personnelle, parfois en opposition avec la pratique de mon maître Ueshiba. A ce moment-là, j’ai pensé qu’il fallait que je quitte l’Aïkido. Ce n’était pas facile à assumer. J’en ai parlé à mes proches. Je leur ai dit qu’avec l’Aïkido j’avais connu la réussite, mais que maintenant, le moment était venu de créer ma propre voie. »

En 1979 il crée sa propre pratique : le Kinomichi, le chemin du KI.

« Michi est une autre lecture, ancienne et classique, en japonais, du caractère chinois Tao. La voie. La transcription japonaise habituelle de ce caractère est Do. Mais Do que l’on retrouve dans judo, aïkido, kendo, implique une origine uniquement japonaise. Michi élargit cette notion d’origine à la philosophie du Tao et l’universalise. Ki est à la fois principe créateur, énergie cosmique et souffle vital. »

« Sur le papier c’est en 1979 mais en réalité le Kinomichi est le fruit d’une lente maturation intérieure. J’ai intégré progressivement l’héritage culturel oriental dont je suis issu aux divers aspects des conceptions du corps et du mouvement rencontré en Europe et particulièrement en France. »

D’autres éléments déterminants contribuent à l’évolution du Kinomichi, telle sa rencontre avec le Docteur Ehrendfried, cette allemande, pionnière des gymnastiques douces, avec Gerhard Alexander, Françoise Mézières ou encore la méthode Feldenkraïs, permet à Me Masamichi Noro de s’initier à une pédagogie plus occidentale et de prendre contact avec les notions d’étirement, de tension et d’approche progressive du corps.

Il fait alors la connaissance de Karlfried von Durckheim qui devait devenir son ami et son père spirituel occidental.

En 1986 les tensions s’apaisent avec le Japon.

 « Beaucoup de gens croient qu’il y a problème entre Aïkido et Kinomichi. Aucun problème. Quand je suis retourné au Japon, (1986) il y a deux ans, WAKA SENSEÏ Kishomaru Ueshiba, le fils de Ô Senseï, le fils du fondateur de l’aïkido, s’est assis près de moi et a dit : « Noro Senseï, votre voie est juste ». Aussi, le centre mondial de l’Aïkido m’a officiellement reconnu comme fondateur du Kinomichi. Kinomichi, n’est pas Aïkido mais Ö SenseÏ Ueshiba est toujours présent dans mon cœur. Il est toujours présent. Comment pourrait-il en être autrement. »

La comparaison de ces deux continents lui fait comprendre que leur dissociation est vaine et qu’il est au contraire primordial d’unir leurs deux dimensions culturelles, jusqu’à devenir, en quelque sorte, « un citoyen du monde ». « Ce n’est pas que j’ai cessé d’être japonais et que je me sois occidentalisé » précise encore Me Masamichi Noro. « Le cœur est un. Dès qu’on réalise que l’homme est un, à ce moment-là, il n’y a plus de frontières. »

Maître Masamichi Noro voulait que le Kinomichi soit au ministère de la culture, ce qui lui fut refusé. En 2001 pour des raisons administratives il rentre à la Fédération Française de l’Aïkido, Aïkibudo et Affinitaires. Il se voit obligé, à son grand regret, de rentrer dans le système des grades Dan et des diplômes sportifs.

L’ENSEIGNEMENT

Sa relation aux élèves.

« Quand je suis arrivé en France, avec Aïkido, j’étais fort, très fort. Animé par un esprit conquérant. Très malheureux. Maintenant avec ma femme, six enfants et le Kinomichi, je suis très heureux. Avant, je considérais les pratiquants comme des élèves ou comme des disciples, maintenant ils sont devenus pour moi des compagnons qui empruntent la même voie et construisent avec moi le Kinomichi. Nous regardons dans la même direction. Ma notion de maître n’est donc plus la même. Autrefois, le maître faisait des expériences avec ses élèves, et surtout sur ses élèves. Aujourd’hui, je préfère partager, donner et recevoir. Quand vous ne donnez pas beaucoup, vous ne recevez rien. Kinomichi est à la fois culture qu’il faut entretenir et développer, et nourriture qu’il faut partager. »

 « Le maître a une position établie par rapport à ses élèves ou disciples alors que moi je change tout le temps. C’est comme lorsque je regarde un couple pratiquer dans la salle, je sens parfois un tel accord que c’est magnifique et je dis merci. Après j’essaye de réaliser ce que j’ai ressenti. Je donne, je reçois et inversement. En réalité c’est un échange. J’apprends autant des élèves qu’eux apprennent de moi. »

« Chacun est engagé dans une expérience qui lui est personnelle ». « Chacun est l’acteur du mouvement d’ensemble dont il est partie prenante » et « chacun apporte quelque chose par sa présence ».

« Je suis un artiste qui prépare de futurs artistes » explique Masamichi Noro. Mes matériaux sont le mouvement, l’énergie et le souffle. Mon objectif est l’harmonisation, l’ouverture aux autres et à l’univers, l’unification de l’être intérieur, l’élargissement à tous les domaines de la vie ».

Le mouvement à deux ou à plusieurs, la relation.

« Dans le Kinomichi, il n’y a ni ceinture jaune, ni ceinture noire symbole trop entachée de connotation technique et compétitive mais cinq niveaux d’initiation que chacun parcourt à son rythme. Dans certaines séances, les débutants sont guidés par les plus avancés. À partir de six mouvements de base enseignée lors de l’initiation 1, le dynamisme est progressivement introduit. Peu à peu, les figures se complexifient, prennent de l’amplitude et de la vitesse, s’inscrivent dans une occupation de plus en plus structurée de l’espace. Pour l’initiation cinq, elles ont résolument gagné en souffle et en liberté, il est alors possible d’improviser et de créer. »

« Se libérer de la technique implique qu’on est passé par elle. Se libérer n’est peut-être pas le mot juste. Transcender ? Oublier ? »

« L’être humain, situé entre terre et ciel, se trouve au lieu idéal d’échange entre donner et recevoir. Le Kinomichi a pour but, au travers du mouvement, d’harmoniser et d’unifier cette énergie en facilitant cette liaison ciel terre. Cela s’effectue par le biais d’attitudes, de postures, de mouvements et d’actions trouvant leur réalisation avec un partenaire. »

« Le contact avec le partenaire est essentiel et nous favorisons ce contact dans un principe d’ouverture. Grâce à l’appui que nous trouvons sur terre, nous pouvons nous élever vers le ciel et mieux échanger avec l’homme tout en conservant un équilibre dynamique. Cette harmonie devient naturellement créatrice. Le centre est alors partout. »

« Avant, devant une attaque j’esquivais, maintenant cette notion d’attaque et de défense doit disparaître pour obtenir l’équilibre. Ce sont deux puissances qui se rencontrent et non qui se confondent. »

« Moi je n’ai jamais aimé l’affrontement. J’ai toujours pensé aux paroles révolutionnaires de Ueshiba : « la technique est au service de l’amour. » Au fond de moi je n’aime pas l’affrontement, alors le temps était arrivé d’éliminer tout affrontement. Beaucoup de pratiquants d’arts martiaux parlent de Ki, mais ce Ki ils l’utilisent pour s’affronter. Quelqu’un qui, dans un affrontement projette son partenaire très loin, ça ce n’est pas du Ki. Dans ces moments-là, je me dis que tout ça doit changer. »

Les principes

« Les cinq S » procédé didactique pratique et amusant crée par maître Masamichi Noro pour présenter la méthode. Mais leur association est un cheminement vers l’unification.

Sourire, souplesse, spirale, sexy et spiritualité.

« La joie qui vient du mouvement est un besoin fondamental de l’homme. »

« Le sourire pour apprendre à se décontracter et à travailler en souplesse afin de ressentir le mouvement juste : la spirale. Tout est spirale ! C’est le mouvement de l’énergie aussi bien dans le corps que dans l’univers. Malheureusement, l’homme voit tout en ligne droite. C’est une illusion dans laquelle il fonce tête baissée. Quel agissement criminel ! »

« La spirale est le trajet de l’énergie, le contraire de la ligne droite. La ligne droite c’est la destruction, elle ne permet pas l’évolution »

Quel est le sens de sexy que vous utilisez parfois sur le tatami ?

« Rien de vulgaire. C’est peut-être l’expression de cet état de spontanéité qui jaillit du cœur. Être sexy c’est en quelque sorte marier l’amour et l’humour. »

« Être sexy, c’est expulser, tout donner, tout laisser sortir et alors vient la clarté. Il est impossible de remplir un récipient déjà plein. Il s’agit d’expulser ce qui est limité, partiel, étroit, recroquevillé et alors automatiquement l’infini rentre… »

« La souplesse, c’est la libre circulation du Ki ». « La vie c’est la souplesse, la raideur, c’est la mort. Il y a deux écueils à éviter, la rigidité et la mollesse. » « La souplesse c’est l’expression d’une harmonie entre l’intérieur et l’extérieur. »

Spiritualité

« Au moment où un déséquilibre apparaît entre le corps et l’esprit, la colère, l’agressivité ou la maladie s’installent. Au moment où le corps et l’esprit sont séparés, c’est aussi parfois la mort. Entre les deux, il existe une troisième force qui est primordiale le Ki. C’est elle qu’il faut chercher. Elle va naître d’une totale ouverture au monde. Si vous regardez d’un peu plus près l’état de fermeture, vous verrez que lorsque nous sommes angoissés, notre cœur est opprimé. Si vous êtes constamment dans une dualité ouverture–fermeture, la peur subsiste. L’homme normal est sans peur, d’une ouverture et d’une décontraction totales. À ce moment-là a lieu la véritable action, lorsque le corps et l’esprit sont unifiés. Ki, c’est donc réunir le corps et l’esprit la terre et le ciel… »

« J’ai, moi aussi, longtemps vécu et travaillé dans la voie du dualisme et de l’affrontement mais, ayant touché à la source de vie qui est amour et paix, je ne puis revenir en arrière. Beaucoup de gens me traitent d’utopiste ! Et actuellement, je suis encore en recherche, je n’arrêterai pas. Cette perfection est infinie, je ne l’atteindrais donc jamais mais j’avancerai vers cet infini. »

« Dire du Kinomichi que c’est une démarche spirituelle, c’est également un piège. Cela peut en être un si on oublie le mouvement, le dynamisme, si on reste uniquement dans l’esprit…C’est la manière dont un être s’engage dans le monde qui fait qu’une démarche peut être spirituelle ou pas. »

« Rechercher l’harmonie dans la mouvance, l’équilibre dans le déséquilibre. »

LA TECHNIQUE

« La technique, cela ne doit pas être un objet de conquête, d’appropriation. Pour le Kinomichi, l’objectif de la technique c’est de sentir ciel-terre, de réaliser l’harmonie. La technique ne doit pas représenter un objectif en soi ou un moyen pour augmenter la puissance et la domination. La technique doit être l’expression de la réalisation de l’être, la mise en forme singulière du Ki, de l’énergie universelle. C’est ainsi qu’il faut comprendre les initiations, un, deux, trois, quatre, cinq et six. » 

« Nous travaillons toutes les techniques de l’aïkido. Parce que je ne connais que l’aïkido, pas autre chose. Mais la première chose à faire par exemple, il faut retirer l’idée de projection et d’immobilisation. Car dans les esprits c’est le début d’affrontement. De même pour ce qui concerne les attaques. J’ai gommé l’esprit guerrier de l’attaque donc de la forme combative des défenses. Les techniques de l’aïkido sont utilisées comme vecteur de communication, d’harmonisation dans l’esprit défini par Ueshiba. L’arme doit être un moyen de développer le Ki, comme nous l’avons défini précédemment, principalement avec le Bokken et le Jo. »

En Aïkido quand on parle d’attaque défense, celui qui attaque c’est Uke et celui qui défend c’est Tori.

« Tori, c’est attrape, Uke, c’est : accepte. Même une saisie, c’est déjà une attaque, ça ne va pas. Il faut dès le départ introduire la notion de contact. La notion de guide, c’est déjà une agression. Le fondement de l’existence, c’est l’harmonie. Nous allons ensemble. Nous allons nous promener ensemble. C’est pourquoi, Uke Tori, attaque défense, non. »

FINALITE

Pour bien comprendre il faut rechercher dans le geste spontané qui doit être porté et engendré par l’expression de la force terre ciel qui est longue à se manifester. Encore faut-il lui faire place et en avoir connaissance.

 « On sent la force monter dans le dos, puis dans tous le corps et la personne tout entière à l’impression de se sentir élevée…C’est seulement grâce à cette montée venant du « fond » (de l’enracinement) que le mouvement peut donner naissance à la forme nouvelle qui s’accomplit au cours du mouvement vers le haut… (Durckheim)

Après un long travail, le pratiquant ressent cette force « terre-ciel » qui accompagne l’expiration. « Malheureusement, beaucoup de personnes pensent qu’au bout d’une heure elles peuvent sentir où cela mène ! C’est ridicule, et cela prend beaucoup de temps… et lorsque les personnes s’inscrivent chez moi, souvent je leur dis : dans 30 ans, vous verrez ! Dans 50 ans, vous verrez ! Mais c’est l’unique voie : le temps. Il n’y a rien à faire, c’est comme ça. »

Une totale ouverture à l’autre et au monde

 « Les sportifs mesurent naïvement leur force en rapport avec leur capacité à se contracter ! Je dis, moi, que la force naît de la totale ouverture et de la décontraction… ils croient que la concentration est un état de fermeture. Ensuite, agressivement, toute cette force explose vers l’extérieur. Moi, je dis non ! Le départ de l’action est en totale décontraction, ouverture totale, confiance… À la suite de cette fermeture, et comme un barrage qui cède, il nous est possible de libérer, dans un cri ou un hurlement, une énergie terrible et très impressionnante. C’est la destruction totale de la personne. Du point de vue respiratoire également, il se passe la même chose : allez, inspirez à fond ! Puis vient cette déflagration avec l’expiration, comme une explosion de l’énergie, elle aussi. »

A partir de l’initiation 5 (6-7).

« Augmenter l’espace occupé, le rythme, le contact avec le ou les partenaires à une vitesse plus grande ; rechercher liberté, improvisation, création et harmonie ; on va un peu plus près de la lumière… on va vers les dix mille choses dont parle Lao Tseu, l’expansion, la vapeur. »

« À quel moment peut-on sentir que deux personnes entrent en relation. Au moment où le souffle naît dans le mouvement chez chacun. D’ordinaire, vous êtes là, je suis là mais je suis là isolément. Il y a tout le temps cet ego, comme un mur qui nous sépare, et sépare notre énergie. Avec l’exercice, le mur disparaît. Tout à coup, cette énergie commence à créer l’espace. Ce moment-là est le moment du contact. Quelqu’un va pratiquer pendant de longues années, et tout d’un coup, un jour ça y est. Ça se voit, c’est très net. »

« L’objectif c’est d’arriver à l’harmonisation de l’Homme avec l’Homme ».

« L’Homme doit réaliser le Ki en même temps qu’il est réalisé par lui. »

« L’expression du Ki c’est l’amour, le désir de contacter l’autre. »

%d blogueurs aiment cette page :